From 1344fc683b1c6d778d367e279fdbd55ca9769761 Mon Sep 17 00:00:00 2001 From: maxigas Date: Wed, 9 May 2018 03:25:47 +0200 Subject: [PATCH] Add missing French version of 14hacklabs.md --- fr/content/14hacklabs.md | 412 +++++++++++++++++++++++++++++++++++++++ 1 file changed, 412 insertions(+) create mode 100644 fr/content/14hacklabs.md diff --git a/fr/content/14hacklabs.md b/fr/content/14hacklabs.md new file mode 100644 index 0000000..17cc2bc --- /dev/null +++ b/fr/content/14hacklabs.md @@ -0,0 +1,412 @@ +# Hacklabs et Hackerspaces: Ateliers partagés de mécanique + +***Maxigas*** + +![](media/hacklabs.png) + +## Définitions + +Pouvez-vous imaginer des ingénieurs, professionnels et aspirants, construisant +leur propre Disneyland ? Cela se passe dans la plupart des capitales +Européennes. Les *hacklabs* [^1] et *hackerspaces* [^2] sont des ateliers de +mécanique opérés par des hackers pour des hackers. Ce sont des pièces ou +édifices dédiés où les personnes intéressées par les technologies peuvent se +retrouver pour socialiser, créer et partager leurs savoirs, et travailler sur +leurs projets individuellement ou en groupes. Ils offrent également un +rendez-vous régulier pour les hackers, à un endroit et à un horaire +fixes. Ainsi un espace et un temps de discours partagés est construit, où le +sens est négocié et circule, établissant ce qui peut être appelé une *scène*. + +Les *hacklabs* et *hackerspaces* appartiennent à la diverse et trouble +taxonomie familiale des ateliers de mécanique. *Ateliers techniques*, espaces +partagés de travail, *incubateurs, laboratoires d’innovation ou de médias*, +diverses formes de points de rencontre (“*hubs*”), et finalement les *fablabs* +et *makerspaces* — énumérés ici par ordre de co-optation — tentent tous +d’émuler et de capitaliser sur la force technoculurelle galvanisée par les +*hacklabs* et les *hackerspaces*. Les références explicites, sur les sites de +telles organisations, au concept de “communauté” [^3] les trahit rapidement +par l’absence des valeurs qu’elles annoncent. Après tout, le capitalisme +contemporain est de plus en plus dépendant de l’authenticité et l’attitude, +qu’il mine dans *l’underground* [^4]. + +Quant à la différence entre *hackers* et *makers*, les lignes restent +floues. Quelques membres de hackerspaces soutiennent que les hackers ne se +limitent pas à fabriquer, mais également cassent des choses, alors qu’un +membre d’un *makerspace* se plaignait que “les hackers ne finissent jamais +rien.”5 Dans les instruments de propagande, les stratégies discursives varient +leurs moyens de manœuvrer autour du mot tabou (“HACK”) de manière à adoucir +les implications négatives mais accentuer les associations positives qu’il +apporte. Tandis que l’éthique du hacker est souvent portée au cœur du système +de valeurs qui imprègne la scène, il est peut-être plus utile de l’entendre +non pas comme un socle moral pré-établi, mais plutôt comme une orientation +pratique enracinée dans le contexte social et l’histoire sociale qui englobent +les hacklabs et les hackerspaces : la manière dont ils “reposent” dans le +tissu social. Ils varient donc largement selon le contexte, comme nous allons +le voir à présent. + +Ainsi donc, la section suivante trace brièvement les trajectoires historiques +des *hacklabs* et des *hackerspaces*, y compris leurs intersections. Il faut +noter toutefois que les configurations actuelles présentées ci-dessous ne sont +pas les seules voies possibles et historiques de leur fonctionnement. Ensuite, +nous explorerons les potentiels et l’importance sociale de quelques *hacklabs* +et *hackerspaces* établis, pour préparer le champ pour une évaluation de ces +tactiques d’un point de vue stratégico-politique dans l’ultime section. + +## Trajectoire historique + +Les histoires et historiques suivants sont confinés à l’Europe, comme ce +continent m’est le plus familier. + +### Hacklabs + +L’apparition des *hacklabs* coincide avec celle de l’ordinateur personnel +[^6], mais leur âge d’or se situe dans la décennie au tournant du millénaire +(largement inspirée des conclusions du Hackmeeting de Milan en 1999) +[^7]. Souvent localisés dans des espaces squattés et des centres sociaux +occupés, ils formaient une part intégrante de la boîte à outils de la +politique autonome, au même titre que la cuisine populaire végane de Food Not +Bombs, les infocentres et bibliothèques anarchistes, les boutiques libres et +les salles de concerts punks [^8]. Par exemple, le centre social occupé *“Les +Tanneries”* à Dijon hébergeait l’ensemble de ces activités sous un même toit à +un moment donné [^9], de la même manière que le *RampArt* de Londres [^10], la +*Rimaia* à Barcelone [^11], ou le *Forte Prenestino* à Rome [^12]. Le plus +vaste réseau de *hacklabs* s’établit en Italie [^13], depuis des *hacklabs* +influents tels le *LOA hacklab* dans le Nord densément peuplé (Milan) [^14], +jusqu’au sus-cité Forte et le *Bugslab* [^15], aussi à Rome, et *Freaknet* +[^16], réputé pour être le premier du genre, à Catania en Sicile. + +Une division des sensibilités des participants et du focus de leurs activités +peut également être discerné, avec une orientation des *hacklabs* du nord de +l’Europe vers la sécurité et le contournement, et au Sud une attention plus +poussée dans le domaine de la production de médias [^17]. Par exemple, le +*Chaos Computer Club* allemand est connu pour pénétrer divers systèmes de +l’État et des grandes entreprises publiquement depuis 1985 (les transactions +bancaires à domicile “Bildschirmtext”) [^18] jusqu’à ce jour (passeports +biométriques) [^19], alors que le magazine néérlandais *Hack-Tic* dut fermer en +1993 pour avoir publié des “*exploits*” (NdT: méthodes d’attaque) — alors que le +hacklab *Riereta* de Barcelone [^20] était reconnu pour son travail innovant +dans le domaine de la diffusion en direct, et la “Fonderie de Culture Libre” +*Dyne* [^21] pour ses travaux dans le domaine du traitement de données +multimédia (en temps réel) et son système d’exploitation libre pour la +production de médias (Dynebolic Live CD) [^22]. Aujourd’hui des exemples +notables existent à Amsterdam (LAG) [^23] et près de Barcelone (*Hackafou*) +[^24]. Ces deux *hacklabs* opèrent dans le contexte d’espaces autonomes plus +larges: le *Binnenpret* [^25] à Amsterdam où se trouve le *LAG* est un complexe +d’édifices légalisé (ex-squat) qui héberge une librairie anarchiste, la salle +de concert autogérée *OCCII*, un restaurant végétalien et le label de musique +“Révolutions par minute”, entre autre choses tels des appartements; tandis que +*Calafou* [^26] où se situe *Hackafou*, s’appelle une colonie écoindustrielle +postcapitaliste fondée sur un modèle coopératif, incluant une manufacture de +meubles, un poulailler, le *Hardlab TransHackFéministe Pechblenda* [^27] et des +logements. + +Au tournant du millénaire, lorsque les connexions par modem étaient +considérées modernes, il n’était parfois possible de se connecter à l’Internet +(ou ses prédécesseurs, comme les BBS ou des réseaux comme Fidonet) en visitant +le hacklab du quartier. Aussi ces “ateliers Internet squattés” — ainsi +étaient-ils parfois nommés dans le nord de l’Europe — ne facilitèrent pas +seulement les connexions entre personnes et machines mais aussi contribuèrent +à la formation de communautés physiques de contre-informatique. Les +ordinateurs personnels demeuraient rares, de sorte que “les membres du +collectif recyclaient et recomposaient des ordinateurs de la poubelle” +[^28]. Les machines obsolètes et le hardware abandonné trouvait souvent le +chemin des *hacklabs*, où il était transformé en ressources utiles — ou +au-moins en oeuvres d’art ou en déclarations politiques (Fig.2). Les +téléphones mobiles et les solutions populaires de téléphonie telles que Skype +n’existaient pas encore lorsque les hackers de WH2001 (Wau Holland 2001), +Madrid et Bugslab, Rome, installèrent des cabines téléphoniques dans la rue, +où les immigrés pouvaient appeler leurs familles au pays gratuitement. Le +développement de GNU/Linux n’avait pas encore atteint une masse critique, donc +installer un système d’exploitation libre relevait de l’art ou de l’artisanat, +et pas d’une simple opération de routine. Le logiciel open source n’était pas +encore établi comme un lucratif segment du marché, mais présentait quelques +caractéristiques d’un mouvement, et les *hacklabs* accueillaient de nombreux +développeurs de logiciel libre. Les *hacklabs* combinaient sans heurt trois +fonctions : fournir un lieu de rencontre et un atelier où les enthousiastes de +la technologie underground pouvaient apprendre et expérimenter ; appuyer et +participer aux mouvements sociaux ; et fournir au public un accès libre aux +technologies de l’information et de la communication. Dans le cyberespace, +tout était encore fluide et submergé de l’intuition, paradoxalement inspirée +de la littérature Cyberpunk, que si les perdants de l’histoire pouvaient +apprendre suffisamment vite, ils pourraient déborder “le système”. Évidemment, +les *hacklabs* étaient des projets politiques qui appropriaient la technologie +selon les fins plus larges du mouvement autonome pour transformer et organiser +l’ensemble de la vie. *Donc la souveraineté technologique est interprétée ici +comme la souveraineté des mouvements sociaux autonomes, comme technologie hors +du contrôle de l’État et du capital.* + +### Hackerspaces + +Les *hackerspaces* viennent d’un courant transversal, correspondant à +l’apparition de *l’informatique physique* 29, l’idée que l’on peut programmer, +contrôler, et communiquer avec des choses en dehors de l’ordinateur, et la +capacité de le faire grâce à la disponibilité de microcontrôleurs en général +accessibles sur le marché de grande consommation, conjointement aux débuts des +plate-formes combinées de matériel et logiciel libres et open source comme +l’Arduino en particulier au sein du marché des amateurs. L’Arduino a exploité +la puissance des microcontrôleurs pour rendre accessible *l’informatique +physique* même à des programmeurs novices qui n’ont aucune spécialisation dans +le contrôle des machines. L’idée de *l’informatique physique* était +inspiratrice à l’ère suivant l’explosion de la bulle des points-com, alors que +la concentration des services de l’Internet aux mains de quelques corporations +multinationales américaines comme Google, Facebook et Amazon rendaient le +développement Web, le design des interactions, et l’ingénierie des réseaux à +la fois omniprésents et profondément ennuyeux. + +Le panel suivant de technologies, dont les imprimantes 3D, les découpeuses à +laser, les machines-outils à commande numérique (et tous les outils numériques +pour la fabrication), les quadricoptères (la version hacker des *drones*), les +synthétiseurs d’ADN, les radios définies par logiciel — tous furent construits +à partir de l’extension du savoir et de la disponibilité des +microcontrôleurs. De là il n’y a qu’un pas pour soutenir que les +*hackerspaces* absorbent régulièrement, après quelques années, une technologie +majeure du complexe militaro-industriel, et en produit une version DIY-punk à +destination d’être réintégrée dans le capitalisme post-industriel. Au +contraire des *hacklabs*, les *hackerspaces* s’interfacent avec la grille +institutionnelle moderne par le biais d’entités légales (associations ou +fondations) et paient un loyer pour leur espace30 financés selon le modèle +d’affiliation à un club. Leur socle social se compose de professionnels de la +technologie dont l’indépendance d’esprit les pousse vers l’exploration +technologique généralement hors des sentiers battus du marché, et dont le +niveau de connaissance et des chèques de salaire généreux leur permettent +d’articuler la relative autonomie de leur classe dans de telles initiatives +collectives. Une telle constellation permet à un assortiment de monstres, +d’anarchistes, d’artistes (“media”) magouilleurs au chômage, etc., de +s’associer avec eux. Il est intéressant de se rappeler du témoignage de Bifo +comparant son expérience d’organiser la classe ouvrière dans les années 1970s +et son activisme contemporain pour organiser des artistes précaires31. La +principale différence à laquelle il se réfère en termes pratiques est la +difficulté de trouver un temps et un lieu en commun où et quand les +expériences collectives et la formation du sujet peuvent prendre place. Les +*hackerspaces* répondent à ces deux problèmes plutôt efficacement, en +combinant un accès permanent et l’affiliation avec leur propre manière de +technologies sociales pour la coordination. + +Du point de vue de l’engagment de la société civile avec les *hacklabs* et les +*hackerspaces*, il est crucial de comprendre comment les processus productifs +s’effectuent dans les contextes sociaux. Les participants sont motivés par une +curiosité de la technologie et un désir de création. Ils sont passionnés par +la compréhension de la technologie et la fabrication de leurs propres +créations à partir des éléments disponibles, que ce soit des protocoles de +communication, des artefacts technologiques fonctionnels ou dysfonctionnels, +des rebuts techniques ou des matériels de base comme le bois ou l’acier. Cela +requiert souvent un degré d’ingénierie inverse: ouvrir, démonter, et +documenter comment les choses fonctionnent; et puis les remonter d’une autre +manière ou les composer avec d’autres systèmes — et, ce faisant, altérant leur +fonctionnalité. Ces ré-inventions sont souvent entendues comme hacking. + +Bidouillage et prototypage rapide sont deux autres concepts utilisés pour +théoriser l’activité des hackers. Le premier insiste sur l’aspect incrémental +et exploratoire du mode de travail des hackers, et contraste ainsi avec le +mode des projets de design industriel planifiés, et aussi avec les idéaux de +la méthode scientifique comme processus vertical partant de principes généraux +et descendant vers les problèmes de l’implémentation technologique +concrète. Le second montre les dynamiques de ces travaux, où l’accent est +placé le plus souvent sur la production de résultats intéressants plutôt que +sur la compréhension claire de ce qui est impliqué, ou sur le maintien d’un +contrôle total sur l’environnement de développement. Ceux qui cherchent à +exploiter les hackers sous les apparences de la collaboration oublient souvent +cela, ce qui résulte en frustrations mutuelles. En effet, qualifier quelque +chose de hack peut aussi se référer au fait qu’il est vraiment fait de bric et +de broc et pas forcément utilisable dans une certaine situation, sans un +effort ou une connaissance importants — ou au contriare: qu’il s’agit d’un +travail de génie, résolvant un problème complexe et souvent général avec une +simplicité et une robustesse frappantes. + +La politique des *hackerspaces* est similairement ambigüe : au contraire des +*hacklabs*, où la technologie est plus-ou-moins subordonnée aux perspectives +politiques, dans les *hackerspaces* la politiques est le plus souvent encadrée +par la technologie32. Parmi les participants à ces derniers, on rencontre plus +facilement des sentiments profonds au sujet de la liberté de l’information, de +la privauté et de la sécurité, ou des mesures (juridiques ou technologiques) +qui restreignent l’expérimentation technologique, tels les brevets ou le +copyright, parce que ces sujets touchent aux conditions mêmes de leur +expression personnelle [^33]. Pour cette raison, les luttes sociales +traditionnelles comme la redistribution du pouvoir et des richesses, ou +l’oppression structurelle fondée sur la perception des corps tels le genre ou +la race laissent la plupart de marbre. Bien qu’ils tendent à exprimer leurs +affirmations et demandes en termes universels, ou dans le langage de la pure +efficience [^34], ils manquent de solidarité avec d’autres groupes sociaux. + +En particulier, alors qu’ils reposent fermement sur l’idée de la technologie +contrôlée par l’utilisateur, leur universel ideal se réduit bien souvent aux +“technologies contrôlées par les ingénieurs” en pratique. Les *hackerspaces* +sembleraient manquer des motivations ou des outils pour construire un sujet +politique concret plus large que leurs propres rangs. Fort heureusement, leurs +intérêts les plus importants recouvrent ceux des groupes sociaux les plus +exploités et opprimés, de sorte que les déficiences de leurs perspectives +politiques ne peuvent être détectées que dans leurs angles morts. Un signe +encore plus encourageant est que dans les dernières années on a vu croître la +diversification des audiences dans les *hackerspaces*. Inspirés des +makerspaces, de nombreux *hackerspaces* ont commencé d’organiser des activités +destinées aux enfants [^35], et de nouveaux espaces focalisés sur le genre ont +été créés, suite à l’insatisfaction de l’inclusion dans les *hackerspaces* +traditionnels [^36]. + +## Potentiels et limitations + +Les *hackerspaces* tombent sans aucun doute hors de la grille de lecture des +institutions modernes, puisqu’ils ne sont pas affiliés à l’État, n’ont pas +l’ambition de participer au marché dans le but d’accumuler du capital, et — +avec quelques exceptions — ne partagent pas les ambitions associées avec la +société civile, telles que parler au nom d’autres acteurs, mobiliser les +foules, ou faire pression sur les institutions publiques. Bien sûr, dans +chaque pays ils se positionnent différemment : si en Allemagne le Chaos +Computer Club, associé avec de nombreux *hackerspaces* locaux [^37], sert +également de corps consultatif auprès la Court Constitutionnelle de +l’Allemagne, une position de professionalisme, les *hackerspaces* néerlandais +[^38] se fondent dans le paysage alternatif entre ateliers d’artistes et +petites startups. + +Cependant, cette relative autonomie n’implique pas simplement une posture +marginale, mais souligne un certain degré d’organisation interne. Les +*hackerspaces* sont propulsés par la culture des hackers qui est aussi +ancienne que l’ordinateur personnel: au dire de certains, ce sont les luttes +des hackers, souvent frisant l’illégalité, qui ont conduit à l’informatique +personnelle [^39]. Les *hackerspaces* sont remplis de vieilles machines +d’informatique et de télématique à tel point que *Hack42* [^40], (à Arnhem, +Pays-Bas), héberge un musée de l’informatique qui intègre des machines à +écrire au légendaire PDP-11 depuis années 70s au modèles contemporains. + +Finalement, l’autonomie reste relative parce qu’elle n’atteint ni ne recherche +l’auto-suffisance et une indépendance complète de l’État, ou pourrait-on dire, +la souveraineté. C’est en contraste frappant avec les *hacklabs* qui opèrent +en général sans entité légale et habitent quelque sorte de zone autonome. De +sorte que si les membres de *hacklabs* peuvent effectivement se cacher +derrière des pseudonymes sans plus de questions, les membres des +*hackerspaces* peuvent s’appeler entre eux comme ils préfèrent, mais dans la +plupart des pays ils doivent révéler leur état civil et addresse personnelle +pour devenir membre. Ainsi, alors que les *hacklabs* s’opposent à l’État +idéologiquement et frontalement de forme anarchiste, les *hackerspaces* +mettent en doute la légitimité de l’État de manière ludique [^41]. Ils peuvent +travailler au niveau de l’immanence, soit en appliquant simplement le +répertoire adéquat des technologies existantes à une situation donnée (en +créant le site Web d’une bonne cause, ou en le rendant dysfonctionnel), ou en +développant des outils existants ou nouveaux, comme porter un pilote +d’imprimante 3D de Windows au système libre d’exploitation GNU/Linux, ou +encore inventer une télécommande universelle dont l’unique bouton sert à +éteindre tous les téléviseurs à sa portée [^42]. + +## Perspective stratégique + +Alors que les *hacklabs* opéraient une mission clairement politique selon une +idéologie politique plus-ou-moins bien articulée, les *hackerspaces* renient +explicitement leur engagement politique. Ces stratégies possèdent leurs +propres potentiels et faiblesses. D’une part, les *hacklabs* à l’ancienne +s’engageaient directement dans les conflits sociaux, apportant leur expertise +technologique à la lutte — et pourtant restaient enfermés dans ce qui est +généralement taxé de ghetto activiste. Bien qu’ils aidaient à prendre +l’avantage et accéder à une infrastructure autrefois répandue du mouvement +autonome, leur alignement limita sévèrement leur accessibilité sociale ainsi +que leur prolifération. En contraste, les *hackerspaces* peuvent et mobilisent +leurs propres ressources grâce à la relative affluence de leurs membres et des +connexions plus intimes avec l’industrie qui l’accompagne, tout en étant +capables de toucher une plus large audience et collaborer avec des formations +sociales au travers du spectre entier de la société. Leurs nombres croissants +(plus de 2000 enregistrés sur hackerspaces.org), bien plus importants que les +*hacklabs* même au sommet de leur gloire, sont sans doute au-moins en partie +la conséquence de ces facteurs d’affluence apolitique. Les *hackerspaces* ont +franchi les limites historiques des *hacklabs*, mais ce, au détriment de leur +consistence politique. + +Toute déclaration de neutralité politique devrait cependant toujours être considérée de manière interrogative. La plupart +des membres de *hackerspaces* s’accordent sur le fait que “la technologie n’est pas neutre”, ou qu’elle constitue “une continuation de la politique par d’autres moyens” : le questionnement de la rationalité technologique, ainsi que l’essence oppressive +de la technologie sont des sujets courants de conversation, même si les *hackerspaces* ne graveraient pas ce slogan sur leurs +banderoles. En dernière analyse, toutefois, la principale contribution des *hacklabs* comme des *hackerspaces* à la transformation politique radicale est leur effort infatigable pour établir sur les technologies le contrôle des usagers, et d’étendre année +après année le champ de ces technologies, du logiciel au hardware, à la biologie. Ce qui est nécessaire pour les *hackerspaces*, +est de relever systématiquement la conscience sur l’importance de ces pratiques et les solidités qu’elles impliquent. + +*Janvier 2014, Calafou et Barcelona.* + +* * * + +[^1] http://web.archive.org/web/20130613010145/http://hacklabs.org/ + +[^2] http://hackerspaces.org + +[^3] http://techshops.ws + +[^4] Liu, Alan. 2004. The Laws of Cool. Chicago, IL: University of Chicago Press. Fleming, Peter. 2009. Authenticity and the Cultural Politics of Work: New Forms of Informal Control. Oxford: Oxford University Press. + +[^5] J‘ai entendu cette citation exacte de la bouche de Debora Lanzeni. + +[^6] Halleck, Dee Dee. 1998. “The Grassroots Media of Paper Tiger Television and the Deep Dish Satellite Network.” Crash Media (2). + +[^7] http://www.hackmeeting.org/hackit99 + +[^8] Maxigas. 2012. “Hacklabs and Hackerspaces — Tracing Two Genealogies.” Journal of Peer Production 2. http://peerproduction.net/issues/issue-2/peer-reviewed-papers/hacklabs-and-hackerspaces + +[^9] http://therampart.wordpress.com/ + +[^10] https://n-1.cc/g/universitat-lliure-larimaia y http://web.archive.org/web/20130313184945/http://unilliurelarimaia.org/ + +[^11] http://www.forteprenestino.net/ + +[^12] Collection de liens sur Austistici/Inventati: http://www.autistici.org/hacklab/ + +[^13] http://www.autistici.org/loa/web/main.html + +[^14] http://www.autistici.org/bugslab/ + +[^15] http://www.freaknet.org/ + +[^16] Selon l’idée de groente + +[^17] http://www.textfiles.com/news/boh-20f8.txt + +[^18] http://archive.is/Blfd + +[^19] http://web.archive.org/web/20121016060835/http://www.riereta.org/wp/ + +[^20] http://dyne.org/ + +[^21] http://www.dynebolic.org/ + +[^22] http://laglab.org/ + +[^23] https://calafou.org/en/proyectos/hackafou + +[^24] http://binnenpr.home.xs4all.nl/ + +[^25] http://calafou.org/ + +[^26] http://pechblenda.hotglue.me/ + +[^27] Les contributeurs de Wikipedia, 2014. “Wikipedia, The Free Encyclopedia: ASCII (squat).” http://en.wikipedia.org/w/index.php?title=ASCII\_(squat)&oldid=540947021 +29. + +[^28] Igoe, Tom, and Dan O’Sullivan. 2004. Physical Computing: Sensing and Controlling the Physical World with Computers. London: Premier Press. + +[^29] Aux Pays-Bas certains *hackerspaces* louent des parcelles “antisquat” qui viennent avec un loyer réduit mais un contrat défavorable, un système établi par les rentiers dans le but d’éloigner les squatteurs de leurs propriétés. + +[^30] Franco Berardi a.k.a. Bifo. 2009. Franco Berardi and Marco Jacquemet and Gianfranco Vitali. New York: Autonomedia. + +[^31] Maxigas. “Hacklabs and Hackerspaces: Framing Technology and Politics.” Presentación a la Conferencia Anual del IAMCR (International Association of Media and Communication Researchers,) en Dublín. http://www.iamcr2013dublin.org/content/hacklabs-and-hackerspaces-framing-technology-and-politics. + +[^32] Kelty, Christopher M. 2008. Two Bits: The Cultural Significance of Free Software. Durham, NC: Duke University Press. http://twobits.net/ + +[^33] Söderberg, Johan. 2013. “Determining Social Change: The Role of Technological Determinism in the Collective Action Framing of Hackers.” New Media & Society 15 (8) (January): 1277–1293. http://nms.sagepub.com/content/15/8/1277 + +[^34] Becha. 2012. “Hackerspaces Exchange.” https://events.ccc.de/congress/2012/wiki/Hackerspaces_exchange + +[^35] Toupin, Sophie. 2013. “Feminist Hackerspaces as Safer Spaces?” .dpi: Feminist Journal of Art and Digital Culture (27). http://dpi.studioxx.org/en/feminist-hackerspaces-safer-spaces + +[^36] Comme la c-base de Berlin, le muCCC de Munich, ou le CCC Mainz. Voir http://c-base.org/, http://muccc.org/events/ et http://www. + +[^37] http://hackerspaces.nl/ + +[^38] Levy, Steven. 1984. Hackers: Heroes of the Computer Revolution. Anchor Press, Doubleday. + +[^39] https://hack42.org/ + +[^40] Quelques exemples suivent. Le passeport des *hackerspaces* est un +document où les visiteurs de *hackerspaces* peuvent collecter des estampilles +appelées “visas”. Le Hackerspace Global Space Program lancé en 2011 avec le +but initial “d’envoyer un hacker sur la Lune dans 23 ans”. SpaceFED est un +système fédéré d’authentification pour l’accès aux réseaux sans fil à travers +les *hackerspaces*, analogue au système Eduroam utilisé dans les institutions +d’enseignement supérieur autour du monde. + +[^41] http://learn.adafruit.com/tv-b-gone-kit + +