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## La souveraineté technologique, une nécessité, un défi.
Qui n'a pas encore compris, après 'Snowden' et ses révélations, que
notre cher 'cyberespace' n'est plus au mains de ses utilisatrices, et
cela hélas, depuis longtemps, mais qu'il constitue une zone fortement
surveillée et à haut risques. L'utilisatrice, apparemment libre de ses
mouvements et pourvue d'innombrables facilités - souvent
« gratuitement » - est devenu en fait un sujet captif qui tient en même
temps de l'otage, du cobaye et du suspect.
Qui n'a pas encore compris, après 'Snowden' et ses révélations, que notre cher
'cyberespace' n'est plus au mains de ses utilisatrices, et cela hélas, depuis
longtemps, mais qu'il constitue une zone fortement surveillée et à haut
risques. L'utilisatrice, apparemment libre de ses mouvements et pourvue
d'innombrables facilités - souvent « gratuitement » - est devenu en fait un
sujet captif qui tient en même temps de l'otage, du cobaye et du suspect.
La mainmise sur l'Internet par les pouvoirs étatiques ou commerciaux,
ou, le plus souvent, une association des deux, semble totale, et elle
l'est effectivement là où les vecteurs et les plateformes sont
'propriétaires', c'est à dire en possession d'acteurs qui mettront leurs
propres intérêts en avant, souvent aux dépens de ceux de leurs
utilisatrices. Alors que l'impact d'Internet dans nos vies devient de
plus en plus fort[^1^](#sdfootnote1sym){.sdfootnoteanc}, une prise de
conscience qui poserait de manière plus insistante les questions
suivantes devient aussi urgente: Comment et, surtout pour qui, Internet
La mainmise sur l'Internet par les pouvoirs étatiques ou commerciaux, ou, le
plus souvent, une association des deux, semble totale, et elle l'est
effectivement là où les vecteurs et les plateformes sont 'propriétaires',
c'est à dire en possession d'acteurs qui mettront leurs propres intérêts en
avant, souvent aux dépens de ceux de leurs utilisatrices. Alors que l'impact
d'Internet dans nos vies devient de plus en plus fort [^1], une prise de
conscience qui poserait de manière plus insistante les questions suivantes
devient aussi urgente: Comment et, surtout pour qui, Internet
fonctionne-t-il?.
Heureusement, cette prise de conscience existe et elle a commencée bien
avant le déploiement de l'Internet. Mais son incidence reste limitée,
car elle reste encore le fait d'un nombre relativement restreint de
personnes et de groupes, et aussi parce qu'elle rencontre de fortes
offensives de la part des pouvoirs établis autrement puissants. Son
porte-drapeau, si l'on peut dire, est le logiciel libre, et ses nombreux
dérivés. Non seulement en tant que technique, mais surtout pour l'idéal
qu'il représente: prise de conscience, prise en mains propres
autonomie et souveraineté. Car attention: tout n'est pas technologie et
la technologie n'est pas tout!
Heureusement, cette prise de conscience existe et elle a commencée bien avant
le déploiement de l'Internet. Mais son incidence reste limitée, car elle reste
encore le fait d'un nombre relativement restreint de personnes et de groupes,
et aussi parce qu'elle rencontre de fortes offensives de la part des pouvoirs
établis autrement puissants. Son porte-drapeau, si l'on peut dire, est le
logiciel libre, et ses nombreux dérivés. Non seulement en tant que technique,
mais surtout pour l'idéal qu'il représente: prise de conscience, prise en
mains propres autonomie et souveraineté. Car attention: tout n'est pas
technologie et la technologie n'est pas tout!
Il est essentiel de voir la souveraineté technologique dans un contexte
bien plus étendu que la technologie informatique, ou bien même que la
technologie tout court. Faire abstraction de l'ensemble de crises
environnementales, politiques, économiques, sociales imbriquées les unes
aux autres[^2^](#sdfootnote2sym){.sdfootnoteanc}, ou encore chercher à
les résoudre isolément ou dans leur ensemble par la seule technologie se
constituent comme autant d'options aberrantes. Il est d'ores et déjà
clair que la souveraineté technologique en elle-même ne nous détournera
Il est essentiel de voir la souveraineté technologique dans un contexte bien
plus étendu que la technologie informatique, ou bien même que la technologie
tout court. Faire abstraction de l'ensemble de crises environnementales,
politiques, économiques, sociales imbriquées les unes aux autres [^2], ou
encore chercher à les résoudre isolément ou dans leur ensemble par la seule
technologie se constituent comme autant d'options aberrantes. Il est d'ores et
déjà clair que la souveraineté technologique en elle-même ne nous détournera
pas de notre inexorable course ... vers le mur.
Il est impossible de continuer sur la voie de la croissance tout azimuts
telle qu'elle a été poursuivie jusqu'à présent. Un arrêt sur place,
voire même une décroissance volontaire, s'impose, faute de quoi elle
s'imposera d'elle-même, et dans des conditions certainement plus
déplaisantes. C'est donc aussi depuis cette perspective qu'il nous
faudra juger les diverses solutions proposées pour (re)conquérir cette
autonomie individuelle et collective que nous avons largement perdue, ou
pire, déléguée au profit d'acteurs économiques et politiques qui veulent
nous faire croire qu'ils n'ont que nos intérêts en tête et que leurs
mobiles sont bienveillants, honnêtes, et légitimes.
Il est impossible de continuer sur la voie de la croissance tout azimuts telle
qu'elle a été poursuivie jusqu'à présent. Un arrêt sur place, voire même une
décroissance volontaire, s'impose, faute de quoi elle s'imposera d'elle-même,
et dans des conditions certainement plus déplaisantes. C'est donc aussi depuis
cette perspective qu'il nous faudra juger les diverses solutions proposées
pour (re)conquérir cette autonomie individuelle et collective que nous avons
largement perdue, ou pire, déléguée au profit d'acteurs économiques et
politiques qui veulent nous faire croire qu'ils n'ont que nos intérêts en tête
et que leurs mobiles sont bienveillants, honnêtes, et légitimes.
Malheureusement les TIC, et leurs développ_eurs - car encore
majoritairement masculins - ont encore une fâcheuse tendance à
travailler en vase clos, sans tenir compte de leur dépendance de la
multitude de rapports humains et de ressources naturelles qui font le
monde et la société. "Nous devons ré-inventer le réseau" déclarait Tim
Pritlove, animateur du 30ème congrès du Chaos Computer Club, dans son
discours d'ouverture[^3^](#sdfootnote3sym){.sdfootnoteanc} tenu fin
Malheureusement les TIC, et leurs développ_eurs - car encore majoritairement
masculins - ont encore une fâcheuse tendance à travailler en vase clos, sans
tenir compte de leur dépendance de la multitude de rapports humains et de
ressources naturelles qui font le monde et la société. "Nous devons
ré-inventer le réseau" déclarait Tim Pritlove, animateur du 30ème congrès du
Chaos Computer Club, dans son discours d'ouverture [^3] tenu fin
décembre 2013. Pour ajouter devant une foule d'activistes et de hackers
enthousiastes: "Et c'est vous qui pouvez le faire!". En soi, il a raison
sur les deux fronts, mais s'arrêter là peux aussi signifier la croyance
en une 'suprématie des nerds[^4^](#sdfootnote4sym){.sdfootnoteanc}' qui
ne miserait que sur des solutions purement technologiques.
enthousiastes: "Et c'est vous qui pouvez le faire!". En soi, il a raison sur
les deux fronts, mais s'arrêter là peux aussi signifier la croyance en une
'suprématie des nerds [^4]' qui ne miserait que sur des solutions purement
technologiques.
Il ne fait aucun doute qu'il est devenu essentiel de remettre le réseau
à plat afin qu'il serve les intérêts du commun et non celui de groupes
exclusifs et oppresseurs. Donc oui à la ré-invention, mais pas de
n'importe quelle façon. Car il faut aller bien au delà des solutions du
type 'technological fix' (rafistolage) qui se limitent à s'attaquer aux
effets et non à leurs causes. Une approche dialectique - et dialogique -
s'impose afin de développer sur une base communautaire et participative,
les technologies qui permettent à leurs utilisatrices de s'affranchir de
la dépendance envers les fournisseurs commerciaux, ainsi que du flicage
généralisé opéré par les pouvoirs étatiques obnubilés par le désir de
surveiller et de punir. Mais en quoi consiste alors cette souveraineté
technologique telle que nous pouvons la souhaiter et espérons
construire?
Il ne fait aucun doute qu'il est devenu essentiel de remettre le réseau à plat
afin qu'il serve les intérêts du commun et non celui de groupes exclusifs et
oppresseurs. Donc oui à la ré-invention, mais pas de n'importe quelle
façon. Car il faut aller bien au delà des solutions du type 'technological
fix' (rafistolage) qui se limitent à s'attaquer aux effets et non à leurs
causes. Une approche dialectique - et dialogique - s'impose afin de développer
sur une base communautaire et participative, les technologies qui permettent à
leurs utilisatrices de s'affranchir de la dépendance envers les fournisseurs
commerciaux, ainsi que du flicage généralisé opéré par les pouvoirs étatiques
obnubilés par le désir de surveiller et de punir. Mais en quoi consiste alors
cette souveraineté technologique telle que nous pouvons la souhaiter et
espérons construire?
Une option possible serait d'entamer notre démarche à partir de la
souveraineté qui opère dans notre propre sphère de vie par rapport aux
pouvoirs qui essayent de nous dominer. Un début de souveraineté pourrait
être interprété par exemple comme 'le droit d'être laissé
tranquille'.[^5^](#sdfootnote5sym){.sdfootnoteanc} Hors, nous savons que
ce droit est systématiquement lésé dans le domaine des ('nouvelles')
technologies de l'information de la communication.
pouvoirs qui essayent de nous dominer. Un début de souveraineté pourrait être
interprété par exemple comme 'le droit d'être laissé tranquille'. [^5] Hors,
nous savons que ce droit est systématiquement lésé dans le domaine des
('nouvelles') technologies de l'information de la communication.
Le présent ouvrage essaye d'établir un état des lieux concernant les
initiatives, les méthodes et les moyens non-propriétaires et
préférablement auto-gérés qui peuvent sauvegarder autant que possible
notre 'sphère de vie'. Serveurs autonomes, réseaux décentralisés,
cryptage, pairage, monnaies alternatives virtuelles, partage des
savoirs, lieux de rencontres et de travail co-opératifs, se constituent
comme un vaste éventail de chantiers déjà en route vers la souveraineté
technologique. A noter que l'efficacité de ces alternatives dépends
fortement de leurs pratique(s) et celles ci devraient être traversées
par les dimensions suivantes:
initiatives, les méthodes et les moyens non-propriétaires et préférablement
auto-gérés qui peuvent sauvegarder autant que possible notre 'sphère de
vie'. Serveurs autonomes, réseaux décentralisés, cryptage, pairage, monnaies
alternatives virtuelles, partage des savoirs, lieux de rencontres et de
travail co-opératifs, se constituent comme un vaste éventail de chantiers déjà
en route vers la souveraineté technologique. A noter que l'efficacité de ces
alternatives dépends fortement de leurs pratique(s) et celles ci devraient
être traversées par les dimensions suivantes:
**Temporalité.** 'Prendre son temps' est essentiel. Il faut s'affranchir
du toujours plus, toujours plus vite, le miroir aux alouettes de la
technologie commerciale. Il faut s'attendre à ce que les technologies
'souveraines' soient plus lentes et peut être moins performantes mais
cela ne doit pas pour autant signifier une perte de notre plaisir.
**Temporalité.** 'Prendre son temps' est essentiel. Il faut s'affranchir du
toujours plus, toujours plus vite, le miroir aux alouettes de la technologie
commerciale. Il faut s'attendre à ce que les technologies 'souveraines' soient
plus lentes et peut être moins performantes mais cela ne doit pas pour autant
signifier une perte de notre plaisir.
**'Nous'.** Les technologies 'souveraines' seront ouvertes,
participatives, égalitaires, communautaires et co-operatives, ou elles
ne seront pas. Elles développent des mécanismes de gouvernance
horizontale souvent entre des parties prenantes très variées. La
clôture, les hiérarchies (souvent présentée comme 'méritocratie') et
l'individualisme égoïste leurs sont fatales. La distinction entre
'expertes' et 'utilisatrices' doit s'estomper autant que faisable.
**'Nous'.** Les technologies 'souveraines' seront ouvertes, participatives,
égalitaires, communautaires et co-operatives, ou elles ne seront pas. Elles
développent des mécanismes de gouvernance horizontale souvent entre des
parties prenantes très variées. La clôture, les hiérarchies (souvent présentée
comme 'méritocratie') et l'individualisme égoïste leurs sont fatales. La
distinction entre 'expertes' et 'utilisatrices' doit s'estomper autant que
faisable.
**Responsabilité.** La réalisation de la souveraineté exige beaucoup de
celles qui y adhèrent. En développant et en déployant les outils, chaque
membre du collectif doit prendre ses responsabilités. La fameuse règle
du 'Qui fait quoi? Où? Quand? Comment? Combien? Et
pourquoi?'[^6^](#sdfootnote6sym){.sdfootnoteanc} s'impose, ainsi que
**Responsabilité.** La réalisation de la souveraineté exige beaucoup de celles
qui y adhèrent. En développant et en déployant les outils, chaque membre du
collectif doit prendre ses responsabilités. La fameuse règle du 'Qui fait
quoi? Où? Quand? Comment? Combien? Et pourquoi?' [^6] s'impose, ainsi que
l'obligation d'y répondre adéquatement à tout moment.
**Une économie basée sur l'échange**. Le principe 'c'est gratuit, donc
c'est toi le produit' caractérise les services 'offerts' par les majors
de l'Internet. Les initiatives citoyennes quant à elles, se voient le
plus souvent refoulées dans 'l'économie du don', sous la forme de
volontariats plus ou moins forcés. Il faudra donc trouver des modèles
qui rémunèrent honnêtement les 'travailleuses de l'immatériel' tout en
faisant acquitter leur juste dû aux utilisatrices.
**Une économie basée sur l'échange**. Le principe 'c'est gratuit, donc c'est
toi le produit' caractérise les services 'offerts' par les majors de
l'Internet. Les initiatives citoyennes quant à elles, se voient le plus
souvent refoulées dans 'l'économie du don', sous la forme de volontariats plus
ou moins forcés. Il faudra donc trouver des modèles qui rémunèrent honnêtement
les 'travailleuses de l'immatériel' tout en faisant acquitter leur juste dû
aux utilisatrices.
**Écologie et environnement.** Une technologie de souveraineté est,
évidement, respectueuse de l'environnement et économe de ressources non
ou difficilement renouvelables[^7^](#sdfootnote7sym){.sdfootnoteanc}.
Peu de personnes se rendent compte à quel point l'informatique est
vorace d'énergie et de matières premières diverses, ainsi que des
conditions, souvent déplorables, dans lesquelles celles ci sont
**Écologie et environnement.** Une technologie de souveraineté est, évidement,
respectueuse de l'environnement et économe de ressources non ou difficilement
renouvelables [^7]. Peu de personnes se rendent compte à quel point
l'informatique est vorace d'énergie et de matières premières diverses, ainsi
que des conditions, souvent déplorables, dans lesquelles celles ci sont
extraites, ou dans lesquelles se déroule leur fabrication.
Ainsi on aura compris qu'il existe de nombreuses limites auxquelles
peuvent être confrontées les technologies de souveraineté et qu'il
n'existe pas de voie royale vers celle ci. Et même si on y arrive,
l'utopie risque de ne pas être au rendez-vous. Ceci n'est pas toutefois
une invitation à baisser les bras, bien au contraire. C'est la modestie
et la lucidité qui jointe à la réflexion déplacent les montagnes. C'est
à vous, chère lectrice d'entamer la votre afin de définir votre
orientation, et vous y engager sans ingénuité, ni appréhension non plus.
Et qui sait, ensuite, si avec un enthousiasme indéfectible et
contagieux.
Ainsi on aura compris qu'il existe de nombreuses limites auxquelles peuvent
être confrontées les technologies de souveraineté et qu'il n'existe pas de
voie royale vers celle ci. Et même si on y arrive, l'utopie risque de ne pas
être au rendez-vous. Ceci n'est pas toutefois une invitation à baisser les
bras, bien au contraire. C'est la modestie et la lucidité qui jointe à la
réflexion déplacent les montagnes. C'est à vous, chère lectrice d'entamer la
votre afin de définir votre orientation, et vous y engager sans ingénuité, ni
appréhension non plus. Et qui sait, ensuite, si avec un enthousiasme
indéfectible et contagieux.
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**Patrice Riemens:** Géographe, activiste culturel et défenseur du
logiciel libre, membre du groupe hacker néerlandais Hippies from Hell.
**Patrice Riemens:** Géographe, activiste culturel et défenseur du logiciel
libre, membre du groupe hacker néerlandais Hippies from Hell.
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