diff --git a/fr/content/03st.md b/fr/content/03st.md index 8198e7b..a080c76 100644 --- a/fr/content/03st.md +++ b/fr/content/03st.md @@ -497,42 +497,42 @@ transfeministes. ------------------------------------------------------------------------ -[1]: Disponible (en castellan): https://vimeo.com/30812111 +[^1]: Disponible (en castellan): https://vimeo.com/30812111 -[2]: http://viacampesina.org/fr/ +[^2]: http://viacampesina.org/fr/ -[3]: https://fr.wikipedia.org/wiki/Souverainet%C3%A9_alimentaire +[^3]: https://fr.wikipedia.org/wiki/Souverainet%C3%A9_alimentaire -[4]: “En économie, négociation collective, psychologie et sciences politiques, sont appelés passagers clandestins les individus et organismes qui consomment plus qu'une partie équitable d'une ressource, ou qui n'assument pas une juste part du coût de sa production. La résolution du problème du passager clandestin (de l'anglais free rider problem) c'est de faire en sorte d'éviter qu'une personne ne devienne un passager clandestin ou au moins limiter ses effets négatifs”. https://fr.wikipedia.org/wiki/Passager_clandestin_(%C3%A9conomie) +[^4]: “En économie, négociation collective, psychologie et sciences politiques, sont appelés passagers clandestins les individus et organismes qui consomment plus qu'une partie équitable d'une ressource, ou qui n'assument pas une juste part du coût de sa production. La résolution du problème du passager clandestin (de l'anglais free rider problem) c'est de faire en sorte d'éviter qu'une personne ne devienne un passager clandestin ou au moins limiter ses effets négatifs”. https://fr.wikipedia.org/wiki/Passager_clandestin_(%C3%A9conomie) -[5]: https://n-1.cc/blog/view/69974/reclaim-the-networks-soberana-tecnolgica-para-redes-sociales +[^5]: https://n-1.cc/blog/view/69974/reclaim-the-networks-soberana-tecnolgica-para-redes-sociales -[6]: "Freedom and rights? You have to sweat blood for them! On the internet, too." http://www.infoaut.org/index.php/english/item/8937-freedom-and-rights?-you-have-to-sweat-blodd-for-them-on-the-internet-too-infoaut-interviews-autistici/inventati +[^6]: "Freedom and rights? You have to sweat blood for them! On the internet, too." http://www.infoaut.org/index.php/english/item/8937-freedom-and-rights?-you-have-to-sweat-blodd-for-them-on-the-internet-too-infoaut-interviews-autistici/inventati -[7]: Nous recommandons cette vidéo didactique sans dialogues (A tale by Big Lazy Robot VFX Music and Sound design by Full Basstards) présentant par exemple le fétichisme vis-à-vis des produits Apple: http://www.youtube.com/watch?v=NCwBkNgPZFQ +[^7]: Nous recommandons cette vidéo didactique sans dialogues (A tale by Big Lazy Robot VFX Music and Sound design by Full Basstards) présentant par exemple le fétichisme vis-à-vis des produits Apple: http://www.youtube.com/watch?v=NCwBkNgPZFQ -[8]: http://www.rebelion.org/noticia.php?id=139132 +[^8]: http://www.rebelion.org/noticia.php?id=139132 -[9]: http://www.ippolita.net/fr +[^9]: http://www.ippolita.net/fr -[10]: http://laboratoryplanet.org/ +[^10]: http://laboratoryplanet.org/ -[11]: http://bureaudetudes.org/ +[^11]: http://bureaudetudes.org/ -[12]: http://tiqqunim.blogspot.com.es/2013/01/la-hipotesis-cibernetica.html +[^12]: http://tiqqunim.blogspot.com.es/2013/01/la-hipotesis-cibernetica.html -[13]: *"Je suis une partie d'une microentreprise, une coopérative de travail associé, chargé de produire du web avec un logiciel libre. Je suis un noyau qui diffuse de nombreux réseaux, sans que l'on puisse considérer l'un d'entre eux comme un espace entièrement propre: femme non féministe, coopérativiste non convaincue, entrepreneuse sans capital, travailleuse ayant une basse productivité, programmeuse qui ne fait nullement l'éloge de son langage…"* http://www.espaienblanc.net/IMG/pdf/Que_piensa_el_mercado-2.pdf +[^13]: *"Je suis une partie d'une microentreprise, une coopérative de travail associé, chargé de produire du web avec un logiciel libre. Je suis un noyau qui diffuse de nombreux réseaux, sans que l'on puisse considérer l'un d'entre eux comme un espace entièrement propre: femme non féministe, coopérativiste non convaincue, entrepreneuse sans capital, travailleuse ayant une basse productivité, programmeuse qui ne fait nullement l'éloge de son langage…"* http://www.espaienblanc.net/IMG/pdf/Que_piensa_el_mercado-2.pdf -[14]: Le monde libre et ouvert s'est grandement compliqué. Aujourd'hui, nous voyons de nombreux secteurs de l'industrie, de la finance, et les gouvernements qui entrent dans un domaine de développement de technologies et de plateformes ouvertes (open innovation, open knowledge, open educational ressources, open tout). +[^14]: Le monde libre et ouvert s'est grandement compliqué. Aujourd'hui, nous voyons de nombreux secteurs de l'industrie, de la finance, et les gouvernements qui entrent dans un domaine de développement de technologies et de plateformes ouvertes (open innovation, open knowledge, open educational ressources, open tout). -[15]: http://networkcultures.org/wpmu/unlikeus/ +[^15]: http://networkcultures.org/wpmu/unlikeus/ -[16]: Terme permettant de faire référence aux erreurs informatiques ou aux comportements non désirables/attendus d'une application. +[^16]: Terme permettant de faire référence aux erreurs informatiques ou aux comportements non désirables/attendus d'une application. -[17]: http://www.nodo50.org/mujeresred/feminismos-jo_freeman.html +[^17]: http://www.nodo50.org/mujeresred/feminismos-jo_freeman.html -[18]: Tout comme l'expliquent les collègues du réseau social N-1: "N-1 est une notion utilisée par Deleuze et Guattari dans le livre *Mille plateaux, en Introduction au Rhizome* ou la multiplicité non réductible au Un. C'est "la soustraction qui permet de multiplier". C'est l'espace en moins, qui n'ajoute pas de dimensions à un ensemble, mais qui permet, à travers le développement d'une interface-outil partagée, de composer et de combiner à nouveau dans un commun ouvert. Plus simplement, cela veut dire que nous n'avons plus besoin de structures verticales et hiérarchiques qui conduisent à la constitution et à l'adoption par tous d'une idéologie à sens unique. Nous pouvons additionner toutes les parties, chacune des subjectivités actives et souhaitables, et ainsi obtenir un ensemble qui représente plus que chacune de ces parties prises séparément. De plus, l'utilisation du réseau, de la distribution et de la collaboration permet de réduire le travail total, étant donné que lorsque quelqu'un effectue une tâche et la partage avec les autres, ces autres personnes peuvent faire d'autres choses en partant de ce qui a été partagé auparavant. Ainsi, faire et partager des choses intéressantes, coûte à chaque fois moins de travail. L'on met en place quelque chose de plus simple à utiliser, l'on fait en sorte que chacune accède et trouve les ressources dont elle a besoin pour mener à bien ses actions de transformation sociale et/ou politique. Chaque fois qu'une personne effectue une tâche, avec un effort N, la prochaine personne à effectuer une tâche l'effectue en N-1 en effort pour faire de même." +[^18]: Tout comme l'expliquent les collègues du réseau social N-1: "N-1 est une notion utilisée par Deleuze et Guattari dans le livre *Mille plateaux, en Introduction au Rhizome* ou la multiplicité non réductible au Un. C'est "la soustraction qui permet de multiplier". C'est l'espace en moins, qui n'ajoute pas de dimensions à un ensemble, mais qui permet, à travers le développement d'une interface-outil partagée, de composer et de combiner à nouveau dans un commun ouvert. Plus simplement, cela veut dire que nous n'avons plus besoin de structures verticales et hiérarchiques qui conduisent à la constitution et à l'adoption par tous d'une idéologie à sens unique. Nous pouvons additionner toutes les parties, chacune des subjectivités actives et souhaitables, et ainsi obtenir un ensemble qui représente plus que chacune de ces parties prises séparément. De plus, l'utilisation du réseau, de la distribution et de la collaboration permet de réduire le travail total, étant donné que lorsque quelqu'un effectue une tâche et la partage avec les autres, ces autres personnes peuvent faire d'autres choses en partant de ce qui a été partagé auparavant. Ainsi, faire et partager des choses intéressantes, coûte à chaque fois moins de travail. L'on met en place quelque chose de plus simple à utiliser, l'on fait en sorte que chacune accède et trouve les ressources dont elle a besoin pour mener à bien ses actions de transformation sociale et/ou politique. Chaque fois qu'une personne effectue une tâche, avec un effort N, la prochaine personne à effectuer une tâche l'effectue en N-1 en effort pour faire de même." -[19]: P°23 http://www.viruseditorial.net/pdf/anarquismo_social_o_anarquismo_personal.pdf +[^19]: P°23 http://www.viruseditorial.net/pdf/anarquismo_social_o_anarquismo_personal.pdf -[20]: Par exemple Guifi.net a été impulsé par un groupe de personnes qui n'avaient pas un accès Internet de bonne qualité de part leur situation géographique considérée comme "éloignée" par les ISP commerciaux, ou le personnel de la télé *Okupem les ones* qui souhaitait obtenir une chaîne de télévision non commerciale et qui reflète l'actualité des mouvements sociaux. +[^20]: Par exemple Guifi.net a été impulsé par un groupe de personnes qui n'avaient pas un accès Internet de bonne qualité de part leur situation géographique considérée comme "éloignée" par les ISP commerciaux, ou le personnel de la télé *Okupem les ones* qui souhaitait obtenir une chaîne de télévision non commerciale et qui reflète l'actualité des mouvements sociaux. diff --git a/fr/content/04logiciel-libre.md b/fr/content/04logiciel-libre.md index e69de29..0e24c8b 100644 --- a/fr/content/04logiciel-libre.md +++ b/fr/content/04logiciel-libre.md @@ -0,0 +1,333 @@ +# Le logiciel libre est encore plus essentiel maintenant + +***Richard Stallman*** + +Une version profondément remaniée de cet article a été publiée dans Wired +[^1]. + +Cela fait maintenant 30 ans que j’ai lancé le mouvement du logiciel +libre, qui milite pour que le logiciel respecte la liberté de +l'utilisateur et la communauté. Nous qualifions ce logiciel de « libre » +(nous utilisons ce mot, même en anglais, dans l'expression free/libre, +pour souligner le fait que nous parlons de liberté et non de prix). +Certains programmes privateurs, tels que Photoshop, sont vraiment +coûteux; d'autres, tels que Flash Player, sont disponibles +gratuitement. Dans les deux cas, ils soumettent leurs utilisateurs au +pouvoir du propriétaire du programme. + +Beaucoup de choses ont changé depuis le début: dans les pays +développés, la plupart des gens possèdent maintenant des ordinateurs +(parfois appelés « téléphones ») et s'en servent pour se connecter à +Internet. Si les logiciels non libres continuent de forcer les +utilisateurs à abandonner à un tiers le pouvoir sur leur informatique, +il existe à présent un autre moyen de perdre ce pouvoir: le « service +se substituant au logiciel » ou SaaSS, qui consiste à laisser le serveur +d’un tiers prendre en charge vos tâches informatiques. + +Tant les logiciels non libres que le SaaSS peuvent espionner +l'utilisateur, enchaîner l'utilisateur et même attaquer l'utilisateur. +Les abus sont monnaie courante dans les services et logiciels privateurs +parce que les utilisateurs n'en sont responsables. C'est là que se situe +la différence fondamentale: les logiciels non libres et le SaaSS sont +contrôlés par une entité externe (généralement une société privée ou un +État), et les utilisateurs n'ont pas leur mot à dire. Le logiciel libre, +au contraire, met l'utilisateur aux commandes. + +Pourquoi ce contrôle est-il important? Parce qu'avoir la liberté +signifie avoir la maîtrise de sa propre vie. Si vous utilisez un +programme pour mener à bien des tâches affectant votre vie, votre +liberté dépend du contrôle que vous avez sur ce programme. Vous méritez +d'avoir un contrôle sur les programmes que vous utilisez, d'autant plus +quand vous les utilisez pour quelque chose d'important pour vous. + +Pour que l'utilisateur ait la maîtrise du programme, il doit bénéficier des +quatre libertés essentielles [^2]. + +(0) La liberté de faire fonctionner le programme comme l'on souhaite, +pour n'importe quel usage. + +(1) La liberté d'étudier le « code source » du programme, et de le +modifier, de telle sorte que le programme s'exécute comme vous le +voulez. Les programmes sont écrits par des programmeurs dans un langage +de programmation, ressemblant à de l'anglais combiné avec de l'algèbre; +cette forme du programme est le « code source ». Toute personne +connaissant la programmation, et ayant le programme sous forme de code +source, peut le lire, comprendre son fonctionnement, et aussi le +modifier. Quand tout ce que vous avez est la forme exécutable, une série +de nombres qui est optimisée pour faire fonctionner l'ordinateur mais +extrêmement difficile à comprendre pour un être humain, la compréhension +et la modification du programme sous cette forme sont d'une difficulté +redoutable. + +(2) La liberté de créer et de distribuer des copies exactes quand vous +le souhaitez. (Ce n'est pas une obligation; c'est votre choix. Si le +programme est libre, cela ne signifie pas que quelqu'un a l'obligation +de vous en proposer une copie, ou que vous avez l'obligation de lui en +proposer une copie. Distribuer un programme à des utilisateurs sans +liberté, c'est leur faire du tort; cependant, choisir de ne pas +distribuer le programme — en l'utilisant de manière privée — ne fait de +tort à personne.) + +(3) La liberté de faire et de distribuer des copies de vos versions +modifiées, quand vous le souhaitez. + +Avec les deux premières libertés, chaque utilisateur peut exercer un +contrôle individuel sur le programme. Avec les deux autres libertés, +n'importe quel groupe rassemblant des utilisateurs peut exercer un +*contrôle collectif* sur le programme; avec l'ensemble de ces quatre +libertés, les utilisateurs ont la pleine maîtrise du programme Si l'une +d'elle fait défaut ou est inadéquate, le programme est privateur (non +libre) et injuste. + +D’autres types d’œuvres sont exploitées pour accomplir des tâches +pratiques; parmi celles-ci, les recettes de cuisine, les matériels +didactiques tels les manuels, les ouvrages de référence tels les +dictionnaires et les encyclopédies, les polices de caractère pour +l’affichage de texte mis en forme, les schémas électriques pour le +matériel à faire soi-même, et les patrons pour fabriquer des objets +utiles (et pas uniquement décoratifs) à l’aide d’une imprimante 3D. Il +ne s’agit pas de logiciels et le mouvement du logiciel libre ne les +couvre donc pas au sens strict. Mais le même raisonnement s’applique et +conduit aux mêmes conclusions: il faut que ces œuvres soient +distribuées avec les quatre libertés. + +Un programme libre vous permet de le bricoler pour lui faire faire ce +que vous voulez (ou cesser de faire quelque chose qui vous déplaît). +L'idée de bricoler le logiciel doit vous paraître ridicule si vous avez +l'habitude des boîtes noires du logiciel privateur, mais dans le monde +du Libre c'est courant, et c'est une bonne façon d'apprendre à +programmer. Même le passe-temps traditionnel des Américains, bricoler +les voitures, est entravé parce que les voitures contiennent maintenant +du logiciel non libre. + +## L'injustice du privateur + +Si les utilisateurs ne contrôlent pas le programme, le programme +contrôle les utilisateurs. Avec le logiciel privateur, il y a toujours +une entité, le « propriétaire » du programme, qui en a le contrôle et +qui exerce, par ce biais, un pouvoir sur les utilisateurs. Un programme +non libre est un joug, un instrument de pouvoir injuste. + +Dans des cas proprement scandaleux (devenus aujourd'hui tout à fait +habituels), les programmes privateurs sont conçus pour espionner les +utilisateurs, leur imposer des restrictions, les censurer et abuser d'eux +[^3]. Le système d'exploitation des iTrucs d'Apple, par exemple, fait tout +cela, et Windows également, sur les appareils mobiles équipés de puces ARM. +Windows, le micrologiciel des téléphones mobiles et Google Chrome pour Windows +comportent chacun une porte dérobée universelle permettant à une certaine +entreprise de modifier le programme à distance sans requérir de permission. Le +Kindle d'Amazon a une porte dérobée qui peut effacer des livres. + +Pour en finir avec l'injustice des programmes non libres, le mouvement du +logiciel libre développe des logiciels libres qui donnent aux utilisateurs la +possibilité de se libérer eux-mêmes. Nous avons commencé en 1984 par le +développement du système d'exploitation libre GNU [^4]. Aujourd'hui, des +millions d'ordinateurs tournent sous GNU, principalement sous la combinaison +GNU/Linux [^5]. + +Distribuer un programme aux utilisateurs sans la liberté fait du tort à +ces utilisateurs; cependant, choisir de ne pas distribuer le programme +ne fait de tort à personne. Si vous écrivez un programme et que vous +l'utilisez en privé, cela ne fait pas de mal aux autres (il est vrai que +vous perdez une occasion de faire le bien, mais ce n'est pas la même +chose que de faire le mal). Ainsi, quand nous disons que le logiciel +doit être libre, cela veut dire que chaque exemplaire doit comporter les +quatre libertés, mais cela ne veut pas dire que quelqu'un a l'obligation +de vous en proposer un exemplaire. + +## Logiciel non libre et SaaSS + +Le logiciel non libre a été le premier moyen, pour les entreprises, de +prendre la main sur l'informatique des gens. De nos jours, il existe un +autre moyen, appelé « service se substituant au logiciel », ou SaaSS. +Cela équivaut à laisser quelqu'un d'autre effectuer vos propres tâches +informatiques. + +Le recours à un SaaSS n'implique pas que les programmes exécutés sur le +serveur soient non libres (même si c'est souvent le cas) . Mais +l'utilisation d'un SaaSS et celle d'un programme non libre produisent +les mêmes injustices: ce sont deux voies différentes qui mènent à la +même situation indésirable. Prenez l'exemple d'un service de traduction +SaaSS: l'utilisateur envoie un texte au serveur; celui-traduit le +texte (disons, de l'anglais vers l'espagnol) et renvoie la traduction à +l'utilisateur. La tâche de traduction est alors sous le contrôle de +l'opérateur du serveur et non plus de l'utilisateur. + +Si vous utilisez un SaaSS, l'opérateur du serveur contrôle votre +informatique. Cela nécessite de confier toutes les données concernées à +cet opérateur, qui sera à son tour obligé de les fournir à l'État. Qui +ce serveur sert-il réellement, en fin de compte? [^7]. + +## Injustices primaires et secondaires + +Quand vous utilisez des logiciels privateurs ou des SaaSS, avant tout +vous vous faites du tort car vous donnez à autrui un pouvoir injuste sur +vous. Il est de votre propre intérêt de vous y soustraire. Vous faites +aussi du tort aux autres si vous faites la promesse de ne pas partager. +C'est mal de tenir une telle promesse, et c'est un moindre mal de la +rompre; pour être vraiment honnête, vous ne devriez pas faire du tout +cette promesse. + +Il y a des cas où l'utilisation de logiciel non libre exerce une +pression directe sur les autres pour qu'ils agissent de même. Skype en +est un exemple évident: quand une personne utilise le logiciel client +non libre Skype, cela nécessite qu'une autre personne utilise ce +logiciel également — et par là même que toutes deux abandonnent leur +liberté (les Hangouts de Google posent le même problème). La simple +suggestion d'utiliser de tels programmes est mauvaise. Nous devons +refuser de les utiliser, même brièvement, même sur l'ordinateur de +quelqu'un d'autre. + +Un autre dommage causé par l'utilisation de programmes non libres ou de +SaaSS est que cela récompense son coupable auteur et encourage le +développement du programme ou « service » concerné, ce qui conduit à +leur tour d'autres personnes à tomber sous la coupe de l'entreprise de +développement. + +Toutes les formes de dommage indirect sont amplifiées lorsque +l’utilisateur est une institution publique ou une école. + +## Logiciel libre et État + +Les services publics existent pour les citoyens, et non pour eux-mêmes. +Lorsqu’ils utilisent l’informatique, ils le font pour les citoyens. Ils +ont le devoir de garder un contrôle total sur leurs tâches +informatiques, afin de garantir leur bonne exécution au bénéfice des +citoyens (cela constitue la souveraineté informatique de l'État). Ils ne +doivent jamais laisser ce contrôle tomber entre les mains du privé. + +Pour garder la maîtrise des tâches informatiques qu'ils effectuent au +nom des citoyens, les agences et services publiques ne doivent pas +utiliser de logiciel privateur (logiciel qui est sous le contrôle d'une +entité autre que l'État). Ils ne doivent pas non plus les confier à un +service programmé et géré par une entité autre que l'État, puisque ce +serait un SaaSS. + +Il y a un cas crucial dans lequel un logiciel privateur n'est absolument pas +sécurisé: une attaque venant de son développeur. Et le développeur peut en +aider d'autres à attaquer. [Microsoft montre les bogues de Windows à la NSA +(l'agence gouvernementale américaine d'espionnage numérique) [^7] avant de les +corriger. Nous ne savons pas si Apple fait de même, mais elle est soumise à la +même pression du gouvernement que Microsoft. Si le gouvernement d'un autre +pays utilise un tel logiciel, il compromet la sécurité nationale. Voulez-vous +que la NSA pénètre par effraction dans les ordinateurs de votre gouvernement? +Lisez nos suggestions pour une politique de promotion du logiciel libre au +niveau du gouvernement [^8]. + +## Logiciel libre et éducation + +Les écoles (et ceci inclut toutes les activités éducatives) influencent +le futur de la société par l’intermédiaire de leur enseignement. Elles +doivent enseigner exclusivement le logiciel libre, afin de mettre leur +influence au service du bien public. Enseigner l’utilisation d’un +programme non libre, c’est implanter la dépendance à l’égard de son +propriétaire, en contradiction avec la mission sociale de l’école. En +dispensant une formation à l'usage du logiciel libre, les écoles +orienteront l'avenir de la société vers la liberté, et aideront les +programmeurs talentueux à maîtriser leur art. + +En outre, elles enseigneront à leurs étudiants l'habitude de coopérer, +d'aider les autres. Chaque classe doit avoir la règle suivante: « +Élèves et étudiants, cette classe est un endroit où nous partageons nos +connaissances. Si vous apportez des logiciels, ne les gardez pas pour +vous. Au contraire, vous devez en partager des copies avec le reste de +la classe, de même que le code source du programme au cas où quelqu’un +voudrait s’instruire. En conséquence, apporter des logiciels privateurs +en classe n’est pas autorisé, sauf pour les exercices de +rétroingénierie. » + +Pour les développeurs de logiciels privateurs, nous devrions punir les +étudiants assez généreux pour partager leurs logiciels ou assez curieux pour +chercher à les modifier. Ce serait faire de la mauvaise éducation. Voir dans +« Free Software and Education » une discussion plus poussée de l'usage des +logiciels libres à l'école. + +## Le logiciel libre: plus que des « avantages » + +On me demande souvent de décrire les « avantages » du logiciel libre. +Mais le mot « avantages » est trop faible quand il s’agit de liberté. La +vie sans liberté est une oppression, et cela s’applique à l’informatique +comme à toute autre activité de nos vies quotidiennes. Nous devons +refuser de donner aux propriétaires des programmes ou des services qui +s'y substituent la maîtrise de nos tâches informatiques. Il faut le +faire pour des raisons égoïstes; mais pas seulement pour des raisons +égoïstes. + +L'une des libertés est celle de coopérer avec les autres. En empêchant +les gens de coopérer, on les maintient dans la division, point de départ +d'une machination ayant pour but de les opprimer. Dans la communauté du +logiciel libre, nous avons pleinement conscience de l'importance de la +liberté de coopérer, parce que notre travail consiste en une coopération +organisée. Si votre ami vient chez vous et vous voit utiliser un +programme, il se peut qu'il vous en demande une copie. Un programme qui +vous empêche de le redistribuer, ou dit que « vous n'êtes pas censé le +faire », est antisocial. + +En informatique, coopérer veut dire redistribuer des copies exactes d'un +programme à d'autres utilisateurs. Cela veut aussi dire leur distribuer vos +modifications. Le logiciel libre encourage ces formes de coopération, alors +que le logiciel propriétaire les interdit. Il interdit la redistribution de +copies, et en refusant le code source aux utilisateurs, il les empêche de le +modifier. Le SaaSS a le même résultat: si vous faites une tâche informatique +sur le web, dans le serveur de quelqu'un d'autre, au moyen d'une copie de +programme qui appartient à quelqu'un d'autre, vous ne pouvez ni voir ni +toucher le logiciel qui fait cette tâche, donc vous ne pouvez ni le distribuer +ni le modifier. + +## Conclusion + +Nous méritons de contrôler notre propre informatique. Comment y arriver? En +refusant les logiciels privateurs sur les ordinateurs que nous possédons ou +utilisons au quotidien, et en rejetant les SaaSS; en développant des logiciels +libres (pour ceux d’entre nous qui sont programmeurs) [^10]; en artageant ces +idées avec les autres [^11]. + +Nous le faisons depuis 1984, ainsi que des milliers d'utilisateurs; c'est +pourquoi nous disposons maintenant du système d'exploitation libre GNU/Linux +que chacun, programmeur ou non, peut utiliser. Rejoignez notre cause, comme +programmeur ou activiste. Rendons la liberté à tous les utilisateurs +d'ordinateurs. + +------------------------------------------------------------------------ + +**Richard Matthew Stallman:** Développeur et militant nord-américain des +logiciels libres. Il défend une distribution des logiciels qui permette +à l'utilisateur non seulement d'accéder à leur liberté d'utilisation +mais aussi de les étudier, de les distribuer et également de les +modifier. Il est à l’origine du projet GNU et de la licence publique +générale GNU connue aussi sous l’acronyme GPL. Il a popularisé le terme +anglais « copyleft ». Programmeur renommé de la communauté informatique +américaine et internationale, il a développé de nombreux logiciels dont +les plus connus des développeurs sont l’éditeur de texte GNU Emacs, le +compilateur C de GNU, le débogueur GNU mais aussi, en collaboration avec +Roland McGrath, le moteur de production GNU Make. + +------------------------------------------------------------------------ + +Traduction: Framalang (Asta, ckiw, Penguin, Amine Brikci-N, lgodard, +Feadurn, Thérèse, aKa, Spanti Nicola, Paul, Scailyna, Armos, genma, +Figue, Sébastien et quelques anonymes). + +Révision: trad-gnu@april.org + +[^1]: http://www.wired.com/opinion/2013/09/why-free-software-is-more-important-now-than-ever-before + +[^2]: https://www.gnu.org/philosophy/free-sw.fr.html + +[^3]: https://www.gnu.org/philosophy/proprietary.fr.html + +[^4]: https://www.gnu.org/gnu/the-gnu-project.fr.html + +[^5]: https://www.gnu.org/gnu/gnu-linux-faq.fr.html + +[^6]: https://www.gnu.org/philosophy/who-does-that-server-really-serve.fr.html + +[^7]: http://arstechnica.com/security/2013/06/nsa-gets-early-access-to-zero-day-data-from-microsoft-others/ + +[^8]: https://www.gnu.org/philosophy/government-free-software.fr.html + +[^9]: https://www.gnu.org/education/ + +[^10]: https://www.gnu.org/licenses/license-recommendations.fr.html + +[^11]: https://www.gnu.org/help diff --git a/fr/content/05internet-libre.md b/fr/content/05internet-libre.md index e69de29..1db5180 100644 --- a/fr/content/05internet-libre.md +++ b/fr/content/05internet-libre.md @@ -0,0 +1,370 @@ +# Internet libre et réseaux maillés + +***Benjamin Cadon*** + +La question de la souveraineté technologique se pose également avec +acuité lorsqu'il s'agit d'aborder la question d'Internet et de notre +capacité à y accéder librement pour un ensemble d'usages qui vont de la +simple communication interpersonnelle à l'échange de fichiers en passant +par l'utilisation d'applications web de partage de ressources et +d'organisation collective. Nous aborderons principalement dans cette +article la problématique sous l'angle «réseau» en partant du global pour +considérer ensuite des initiatives à l'échelle locale. + +On peut tout d'abord évoquer l'histoire d'Internet, partie des +États-Unis, mue par des crédits militaires, amplifiée par des +universitaires et passionnés d'informatique avant de s'étendre sur toute +la planète, … et se poser la question de sa gouvernance. Depuis le +dernier Sommet Mondial sur la Société de l'Information (SMSI) qui s'est +tenu à Tunis en 2005, elle est désormais orchestrée par le Forum sur la +gouvernance de l'internet sous l'égide de l'Organisation des Nations +unies (ONU). + +Cette organisation mondiale ne doit pas pour autant occulter le fait que +restées sous hégémonie américaine. Il s'agit notamment de l'ICANN (Internet +Corporation for Assigned Names and Numbers [^1]), une société de droit +californien à but non lucratif sous tutelle du département du Commerce des +États-Unis qui gère les serveurs DNS «Racines» (les «.org», «.com», «.net») et +attribue les classes d'adresses «IP» [^2]. Ces adresses caractérisent chaque +ordinateur présent sur le réseau. A noter plusieurs initiatives pour créer une +système de DNS décentralisé (P2P DNS), dont celle de Peter Sunde, cofondateur +de The Pirate Bay [^3], qui n'ont pas connu jusqu'à présent de déploiement +significatif. A considérer également la possibilité de «censure DNS» comme +lors de l'intervention des services américains pour faire cesser l'activité de +Mégaupload [^4], ou celle du «gouvernement par le réseau» tel que cartographié +par le collectif artistique Bureau d'études [^5]. + +## Pourquoi faut-il défendre la neutralité du Net? + +Évoquons maintenant trop rapidement un certain nombre de traités et de +tentatives internationales, européennes et nationales (TAFTA, CETA, ACTA, +SOPA, PIPA, règlements de l'Union Internationale des Télécoms (UIT), DADVSI en +Europe, Ley Sinde en Espagne, LOPSI et autre Hadopi en France, …) qui visent +volontairement ou non à gréver la neutralité d'Internet, à «filtrer» +celui-ci. D'après la Quadrature du net [^6]: «La neutralité du Net est un +principe fondateur d'Internet qui garantit que les opérateurs télécoms ne +discriminent pas les communications de leurs utilisateurs, mais demeurent de +simples transmetteurs d'information. Ce principe permet à tous les +utilisateurs, quelles que soient leurs ressources, d'accéder au même réseau +dans son entier» [^7]. Pour de multiples et souvent fausses raisons [^8], des +traités et projets de lois tentent d'amener des instruments réglementaires +pour contraindre les fournisseurs d'accès ou de ressources réseau, les +éditeurs à intervenir sur l'accès à certains contenus d'Internet, à les +filtrer et donc les discriminer. + +La possibilité d'accéder librement et pleinement à Internet peut être +également affectée par les considérations stratégico-commerciales des +fournisseurs d'accès, qui, grâce aux technologies de Deep Packet +Inspection (DPI) ont la capacité de favoriser certains contenus plutôt +que d'autres. Le DPI consiste à «ouvrir» tous les paquets (= toutes les +enveloppes) qui véhiculent les données échangées avec des serveurs ou +d'autres utilisateurs pour en évaluer le contenu et décider de son +rapide acheminement ou, au contraire, de sa redirection vers une voie de +garage ou de grandes oreilles. + +L'intérêt pour les fournisseurs d'accès commerciaux est multiple: cela +permet d'envisager des offres d'accès à plusieurs vitesses, pour par +exemple limiter le débit des services les plus gourmands et les moins +rémunérateurs (par exemple YouTube …) ou tarifer un accès privilégié à +ces services afin de garantir au final la bonne réception des flux +télévisuels qui circulent désormais via Internet ou la qualité du +service téléphonique sur IP. A noter que ces mêmes technologies de «DPI» +sont aussi utilisées par les fabricants d'armes numériques pour mettre +sous surveillance l'ensemble d'un pays en révolte (par exemple la Libye +aidée par des techniciens et le logiciel Eagle de la société française +Amesys Bull [^9]). + +## La neutralité du Net, un principe à défendre d'un point de vu technopolitique + +Certains états prennent encore très timidement des initiatives pour garantir +un libre et plein accès à Internet, après le Chili [^10], c'est le cas par +exemple des Pays-bas où le Parlement a adopté une loi sur la neutralité du Net +au début du mois de mai 2012 [^11], mais l'Europe semble patiner sur le sujet +[^12]. Dans certains pays, des collectivités publiques ont la possibilité +juridique d'assumer le rôle de fournisseur d'accès à Internet pour proposer un +service de qualité à moindre prix pour des catégories de population +défavorisées (l'exemple de la Régie Communale du Câble et d’Electricité de +Montataire en France [^13]) ou situées dans des zones non desservies par des +offres commerciales car peu rentables (les «zones blanches»). A ce jour, au +moins en France, les collectivités ont été plus promptes à déléguer le +déploiement des réseaux haut-débits aux acteurs commerciaux habituels qu'à se +saisir de cette opportunité pour aborder concrètement le futur d'Internet sous +l'angle d'un bien commun. + +Des acteurs de la société civile se sont mobilisés de longue date pour +défendre ce principe auprès du législateur, c'est le cas de la Quadrature du +Net qui en a fait une de ses priorités [^14] et se présente comme «une +organisation de défense des droits et libertés des citoyens sur Internet. Elle +promeut une adaptation de la législation française et européenne qui soit +fidèle aux valeurs qui ont présidé au développement d'Internet, notamment la +libre circulation de la connaissance. À ce titre, la Quadrature du Net +intervient notamment dans les débats concernant la liberté d'expression, le +droit d'auteur, la régulation du secteur des télécommunications ou encore le +respect de la vie privée. Elle fournit aux citoyens intéressés des outils +leur permettant de mieux comprendre les processus législatifs afin +d'intervenir efficacement dans le débat public» [^15]. + +## Communautés pour un Internet accessible, libre et ouvert + +Il existe différentes topologies d'associations, ONG et communautés qui +militent activement et de façon pratique pour proposer un Internet neutre. On +peut les distinguer d'un point de vu technique selon le mode d'accès proposé: +en s'équipant d'un routeur pour se connecter à un réseau cablé ou plutôt en +mettant en place un système Wifi intégré à un réseau maillé lui même +éventuellement interconnecté avec Internet. En langage technique «Assymetric +Digital Subscriber Line» (Liaison numérique à débit asymétrique sur ligne +d'abonné) Versus Wi-Fi, une bande libre du spectre électromagnétique. + +## Liaison numérique à débit asymétrique sur ligne d'abonné + +On peut citer par exemple en France la French Data Network (FDN [^16]) créé en +1992 comme association loi 1901, pour offrir à tous à moindre prix, ce que +d’autres utilisaient déjà depuis plus le début des années 1980 comme outil de +travail. Les services offerts par FDN ont inclut le courrier électronique, les +news, l’accès à de nombreuses archives de logiciels et de documentation, et +aux machines du réseau Internet. + +de vieux routiers de l’Internet rodés techniquement, et de membres intéressés +par les domaines les plus variés (musique, juridique, éducation, graphisme, +…). Elle lui permet de promouvoir un Internet de qualité, à la fois au +niveau du service, du contenu, qui respecte son éthique initiale. + +Partant de ces velléités, FDN a initié en France une fédération de +fournisseurs associatifs d'accès à Internet (FFDN), qui compte à ce jour 23 +membres [^17], et cherche à faciliter leur partage des problématiques +techniques et politiques. + +La création d'un FAI associatif [^18] semble relativement simple (cf. «Comment +devenir son propre FAI» [^19] [^20]), d'autant plus quand des structures du +type de la FFDN se montrent susceptibles d'accompagner et dynamiser cette +démarche. Il reste le problème de la «boucle locale», les derniers kilomètres +de câbles, et demain de fibre optique, qui vont jusqu'à notre domicile, +détenus par un nombre limité d'opérateurs avec lequel il faut composer. Une +problématique dont les réseaux sans fils s’affranchissent. + +## Le Wi- Fi, une bande libre du spectre électromagnétique + +La législation évoluant au début des années 2000 dans un certain nombre de +pays, il devenait possible d'utiliser des appareils de communication sans fils +librement, sans devoir demander ni autorisation ni licence. De nombreux pays +ont limités les puissances admises et ont ouvert plus ou moins de «canaux» +dans une bande de fréquence dite « Industrielle, Scientifique et Médicale » +(ISM [^21]) située entre 2,4 et 2,4835 GHz. Il existe également dans certains +pays la possibilité d'utiliser des fréquences autour de 5GHz. + +Dès lors, des communautés Wi-Fi se créent, tant dans des villes pour être plus +autonomes, mutualistes et libres face aux fournisseurs d'accès, que dans les +campagnes pour couvrir des «zones blanches» dépourvues de connectivité à +Internet et jugées «non rentables» par les opérateurs privés et/ou publics. On +peut citer en Europe Freifunk [^22] en Allemagne, FunkFeuer [^23] en Autriche +ou Guifi.net [^24] en Catalogne parmi bien d'autres [^25]. Elles sont donc +très hétérogènes, impliquant de quelques utilisateurs dans des zones isolées +jusqu'à des dizaines de milliers de «nodes» (nœuds) distribués dans des zones +plus denses, à l'échelle d'une ville, d'une région, d'un pays. + +De façon schématique, les participants constituent un point d'accès et un +relais au sein d'un réseau maillé en configurant un routeur Wi-Fi de façon +adéquate, ce réseau est connecté à Internet via un ou plusieurs accès +personnels ou mutualisés, des «dorsales» le relient à des zones éloignées +éventuellement de plusieurs kilomètres où un autre micro réseau peut être +déployé. Il s'agit donc de distribuer de façon aussi décentralisée que +possible l'accès à Internet et à des ressources informatiques «locales» (sites +web, service de mail, outils de télécommunication, …), c'est à dire proposées +sur des serveurs directement branchés sur un ou plusieurs nœuds de ce tricot +électromagnétique. + +Une des plus anciennes communauté Wi-Fi en Europe, Freifunk («radio libre»), +initiée en 2002 a créé son propre système d'exploitation pour routeur, le +FreiFunk Firmware, ainsi que son propre protocole de routage +B.A.T.M.A.N. [^26] aujourd'hui utilisé à l'échelle mondiale comme base pour +constituer des réseaux maillés et y optimiser la circulation des paquets. Elle +a également été partie prenante dans la constitution d'un réseau international +de communautés partageant les mêmes valeurs, souvent proches de celles liées +aux logiciels libres, avec l'envie partagée de distribuer, «acentraliser» +autant que possible les ressources du réseau considéré comme un bien commun +qui doit être accessible à tous. + +La baisse du prix des routeurs Wi-Fi (made in RPC [^27]) a favorisé le +développement de ce type d'initiative que certains voient comme l'avenir +d'Internet: un réseau décentralisé, rhizomé, à l'intelligence protéiforme et +partagée, qui s'adapte au plus près des possibles socio-techno-écolos propres +à chaque contexte. Il y a pourtant des revendications à porter sur la question +de «la libération des ondes» [^28], car les opérateurs privés sont aussi +friands de ces ondes «gratuites», tant pour faire communiquer des objets +supposément intelligents, que pour faire passer de la téléphonie mobile par le +tuyau Internet de votre domicile, cette bande de fréquence étant déjà +qualifiée par certains de «bande poubelle». Or on peut aussi considérer cette +ressource électromagnétique comme un bien commun, en plaçant la société civile +au cœur du processus de partage, au delà de l’emprise des états et sociétés +sur les ondes. Des organisations comme «Wireless Commons» ont ainsi établi un +manifeste et un ensemble de point commun pouvant caractériser ces +organisations, le fondateur de Guifi.net publiant quant à lui dès 2005 le +Comuns Sensefils [^29] (Wireless Commons License, licence des biens communs +sans fil, en français). + +## Des artistackers expérimentent avec d'autres «réseaux» + +Évoquons des initiatives concourantes à la problématique de la +souveraineté technologique, à la question de l'accès à un système de +communication et d'échange ouvert, accessible et anonyme: + +## Des ateliers sur l'autohébergement + +Dans des hackspaces et autres medialabs, autrement dit des lieux de +réappropriation de la technologie, sont plus ou moins régulièrement +proposés des ateliers pour être plus autonomes face à ses besoins +informatiques: Comment avoir son propre serveur mail/web à domicile, +comment chiffrer ses communications, contourner d'éventuels systèmes de +filtration et esquiver autant que possible les grandes oreilles, comment +gérer ses données personnelles, la sécurité de son ordinateur. + +## Des «Battle mesh» + +Autour du même type de lieu, s'organisent des «wireless battle mesh [^30]», +réunion d'amateurs spécialistes en communication réseau sans fils qui sur +plusieurs jours et sous la forme d'un jeu, d'une bataille, vont tester +différents protocoles et tenter d'optimiser le fonctionnement et la +configuration d'un réseau maillé pour acquérir expériences et savoir-faires, +échanger avec d'autres participants partageant ces problématiques techniques. + +## «Qaul.net» de Christoph Wachter et Mathias Jud + +Qaul.net implémente un principe de communication ouvert dans lequel les +ordinateurs et appareils mobiles équipés d'une carte Wi-Fi vont pouvoir +former spontanément un réseau entre eux, permettant l'échange de message +textuel, de fichiers, d'appels vocaux sans avoir à «passer» par Internet +ou un réseau de téléphonie mobile. Ce projet «artistique» a été imaginé +en réaction aux «blackouts» communicationnels imposés par les régimes en +proie à une révolte au sein de leur pays ou lors d'une catastrophe +naturelle impactant les infrastructures réseau. + +## «Batphone» ou «Serval Mesh» + +Ce projet vise à transformer tout téléphone mobile équipé du Wi-Fi en +téléphone Wi-Fi, c'est à dire en moyen de communication qui, s'appuyant sur +une infrastructure de réseau sans fils existante, permet de rentrer en +communication avec d'autres personnes au sein de ce réseau sans passer par la +case «opérateur» ni avoir besoin de carte SIM [^31]. + +## «Deaddrop» d'Aram Barthol + +Le projet consiste à emmurer une clef USB dans un endroit que l'on partage +ensuite via une carte proposée sur le site initié par l'artiste [^32], ou avec +ses amis, à l'instar de la boîte aux lettres morte chère à de nombreuses +générations d'espions. C'est une façon de créer un lieu de partage de fichiers +anonyme, de personne à personne, déconnecté d'Internet, et implanté dans +l'espace public. Les «deaddrops» se sont répandues sur (presque) toute la +planète et affichent à ce jour 7144 GB de stockage cumulé, accessoirement +elles peuvent prendre froid et se remplir de virus. + +## «Piratebox» de David Darts + +La Piratebox [^33] reprend ce même principe de boite de dépôt anonyme en +proposant un réseau wifi ouvert sur lequel toute personne qui s'y connecte et +ouvre un navigateur web se voit redirigé vers une page proposant de charger +ses fichiers et de consulter et télécharger des fichiers préalablement +déposés. Ce «micro-internet» est déconnecté du grand Internet, n'enregistre +pas les «logs» et garanti donc la confidentialité. Le système est accessible +dans un rayon lié au site et à la qualité de l'antenne utilisée, il peut +s'installer sur un routeur Wi-Fi low-cost comme sur le micro-ordinateur +Raspberry Pi en y adjoignant une clef Wi-Fi, ou sur un ordinateur +traditionnel, un téléphone mobile. + +Partant de ces dispositifs, de nombreuses évolutions ont été imaginées par la +communauté d'utilisateurs [^34]: La «LibraryBox» pour partager des livres +libres de droits en bibliothèque, le «Micro Cloud» pour garder ses documents +sous la main, l'«OpenStreetMap Box» pour consulter cet outil cartographique +libre «offline», la T.A.Z. Box, la PédagoBox, la KoKoBox, ... + +## Conclusion + +Entre les enjeux internationaux et les inégalités locales, peut-être +convient-il de garder en tête un des principes fondateur d'Internet, à +savoir «distribuer l'intelligence». Il faut éviter la centralisation +technique et décisionnaire pour plutôt opter pour un partage ouvert des +connaissances et des dispositifs techniques, et la défense collective de +l'idée qu'Internet est un bien commun auquel il faut pouvoir accéder +librement. Demain, on peut ainsi imaginer que chacun pourra aller +chercher de l'Internet chez son artisan réseau local comme autant de +légumes goûtus cultivés avec amour par un maraîcher passionné. Internet +ne doit pas être une boite noire refermée petit à petit par +quelques-uns, mais doit être considéré comme un objet technique à +s'approprier, dont il faut garder la maîtrise, qu'il faut cultiver +octets. + +------------------------------------------------------------------------ + +**Benjamin Cadon:** Artiste et coordonnateur de +Labomedia-mediahackerfablabspace, une association à but non lucratif basée à +Orléans (France). http://labomedia.org + +------------------------------------------------------------------------ + +[^1]: En français, la Société pour l'attribution des noms de domaine et des numéros sur Internet. + +[^2]: Une adresse IP dite «publique» est ce qui permet à un ordinateur d'être connecté à Internet et en capacité de parler le même langage (le protocole TCP/IP) pour échanger avec ses congénères, qu'il s'agisse de serveurs, d'ordinateurs personnels, de terminaux mobiles, ou encore d'objets dits «communicants». Les serveurs DNS servent quant à eux à transformer ces adresses IP en noms de domaine pour rendre les serveurs plus accessibles aux humains et aux robots des moteurs de recherche. + +[^3]: Stéphane Bortzmeyer: «Un DNS en pair-à-pair?» http://www.bortzmeyer.org/dns-p2p.html + +[^4]: «MegaUpload Shut Down by the Feds, Founder Arrested» http://torrentfreak.com/megaupload-shut-down-120119/ + +[^5]: http://bureaudetudes.org/2003/01/19/net-governement-2003/ + +[^6]: http://www.laquadrature.net/ + +[^7]: La quadrature du net: «La neutralité d'Internet» http://www.laquadrature.net/fr/neutralite_du_Net + +[^8]: Par fausse raison nous faisons référence au fait de déguiser les offensives contre la neutralité du net sous le couvert de vouloir protéger la propriété intellectuelle et les droits d'auteurs, prévenir le terrorisme et la montée des extrémismes ou encore lutter contre les pratiques sexuelles pédophiles et autres comportements prédateurs sur le net. Nous ne disons pas que ces problèmes n'existent pas sinon que tenter de les résoudre à travers une restriction des libertés sur le net, dont la neutralité est un principe vertébrateur, représente une erreur fondamentale. + +[^9]: http://reflets.info/amesys-et-la-surveillance-de-masse-du-fantasme-a-la-dure-realite/ + +[^10]: http://www.camara.cl/prensa/noticias_detalle.aspx?prmid=38191 + +[^11]: http://www.numerama.com/magazine/22544-la-neutralite-du-net-devient-une-obligation-legale-aux-pays-bas.html + +[^12]: +http://www.laquadrature.net/fr/les-regulateurs-europeens-des-telecoms-sonnent-lalarme-sur-la-neutralite-du-net • Voir aussi la campagne: http://savetheinternet.eu/fr/ + +[^13]: http://www.rccem.fr/tpl/accueil.php?docid=2 + +[^14]: http://www.laquadrature.net/fr/neutralite_du_Net + +[^15]: http://www.laquadrature.net/fr/qui-sommes-nous + +[^16]: http://www.fdn.fr/ + +[^17]: http://www.ffdn.org/fr/membres + +[^18]: Voir cartographie en évolution des FAI: http://www.ffdn.org/fr/article/2014-01-03/federer-les-fai-participatifs-du-monde-entier + +[^19]: http://blog.spyou.org/wordpress-mu/2010/08/19/comment-devenir-son-propre-fai-9-cas-concret/ + +[^20]: http://blog.spyou.org/wordpress-mu/?s=%22comment+devenir+son+propre+fai%22 + +[^21]: https://fr.wikipedia.org/wiki/Bande_industrielle,_scientifique_et_m%C3%A9dicale + +[^22]: http://freifunk.net/ + +[^23]: http://www.funkfeuer.at/ + +[^24]: http://guifi.net/ + +[^25]: https://en.wikipedia.org/wiki/List_of_wireless_community_networks_by_region + +[^26]: http://www.open-mesh.org/projects/open-mesh/wiki + +[^27]: Voir contribution de Elleflane sur «Hardware Libre» dans ce dossier. + +[^28]: Plaidoyer de Félix Treguer et Jean Cattan en faveur d’une libération des ondes «Le spectre de nos libertés» http://owni.fr/2011/05/07/le-spectre-de-nos-libertes/ + +[^29]: Voir https://guifi.net/ca/CXOLN + +[^30]: http://www.battlemesh.org/ + +[^31]: https://github.com/servalproject/batphone + +[^32]: https://deaddrops.com/dead-drops/db-map/ + +[^33]: http://daviddarts.com/piratebox/?id=PirateBox + +[^34]: http://wiki.labomedia.org/index.php/PirateBox#Projets_et_d.C3.A9tournements_de_la_PirateBox